dimanche 15 juillet 2007

Les missionnaires musulmans

En juin de l’an 2000, j’ai été présent, lors d’un séjour en Allemagne, à une sorte de «forum mondial» des «Da3wa et Tabligh» (Tabligh tout court en Français). Lors de ce forum, des oulémas d’Inde et de Pakistan viennent parler aux «disciples» du monde entier de la foi et du mouvement Tabligh. Près de 20.000 personnes y assistaient pendant trois jours non stop, et ce sans aucune publicité préalable (ni Internet, ni journaux, ni télé, ni affiches, ni quoique ce soit). J’y ai vu des religieux très orthodoxes mais aussi beaucoup de jeunes, dont certains percés, tatoués, et arborant les tenues les plus «In». Il s’agit d’un mouvement très répandu de par le monde, avec des millions d’adhérants, et pourtant méconnu ou plutôt mal connu de beaucoup de monde.

Les règles des Tabligh peuvent être résumées comme suit :

1. L’entrée au Tabligh est libre,

2. La sortie du Tabligh est libre,

3. Pas de débats politiques,

4. Pas de débats théologiques,

5. Dès qu’on fait partie du Tabligh, on invite des gens à le rejoindre.

Le raisonnement est donc simple : les querelles politiciennes et théologiques ne servent à rien, ce qui est important, c’est, au niveau individuel, de respecter les lois divines et de combattre ses propres vices et démons. Les Tabligh se disent «les messagers du messager d’Allah». La méthode est donc d’inviter les musulmans à revenir aux mosquées et à parler de Dieu. L’objectif étant de créer un peu partout un environnement propice au retour des musulmans à leur foi. Dès qu’on commence à suivre les activités du mouvement, on est invité et encouragé à inviter d’autres gens. L’idée est confondante par sa simplicité et son efficacité. Car dès qu’on arrive à inviter quelqu’un à la mosquée, et qu’on réussit à le «fidéliser», sa propre foi s’en trouve renforcée. Et on s’engage tacitement à tenir soi-même vis-à-vis des personnes qu’on a invités. On alimente aussi le mouvement avec la jeune génération éduquée et trompant en philosophie, informatique, mathématiques, médecine etc. ce qui dépoussière l’argumentation et les méthodes religieuses. Le Tabligh est né dans les années 1920, à l'initiative de Mohamed Ilyas, c'est l’un des mouvements qui génèrent le plus de conversions à l’Islam. Bien qu’aucune statistique officielle n’existe (par définition, l’entrée et la sortie est libre à tous, sans aucun enregistrement d’aucune sorte), mais les chiffres qui circulent parlent d’environ 35 millions d’adeptes de par le monde, dont beaucoup en Europe, mais surtout au Pakistan, Inde, Bengladesh etc.

Activités

Les activités du Tabligh sont diverses. Il y a d’abord les «cercles d’apprentissage» (7ala9at ta3liim) où l’on étudie deux ou trois hadiths en groupe. Il y a ensuite les «éclaircissements» (Bayan) où, après la prière, une personne du groupe prend la parole pour parler de Dieu. Les «promenades» (jawla) où l’on se promène aux alentours de la mosquée et l’on parle aux gens dans la rue pour les inviter à venir à la mosquée. Ensuite il y a les «sorties» (5ourouj) où on laisse tout tomber, on prend ses affaires et on va loin de chez soi pendant quelques temps, dans une mosquée, une maison … où l’on ne fait que ça (prières, bayan, jawla …). Trois types de 5ouroujs existent : 3 jours, 40 jours et 4 mois. C’est leur interprétation du Jihad : se combattre et s’extirper de la vie de tous les jours «pour la cause de Dieu» (Fi sabil illah). Bien que pacifiste et apolitique, et malgré son grand succès, ce mouvement ne fait pas l’unanimité, ni parmi les musulmans, ni parmi les non-musulmans.

Innovation (Bid3a)

Des oulémas de grande envergure tel que Nasreddine el-Albani ont condamné le mouvement Tabligh, arguant qu’il s’agit d’une innovation. Plus précisément, les règles des trois jours, quarante jours et quatre mois, n’ont aucune source Coranique ni Sunnite. Il est également reproché aux Tabligh de donner la parole à des non-oulémas, puisque théoriquement, un nouveau venu ou un nouvellement converti peut prendre la parole et prêcher les autres. On reproche également aux Tabligh d’être une forme de Sufisme, prônant le détachement de la vie matérielle, bien que le mouvement encourage les étudiants à étudier, les travailleurs à travailler etc. On les traite également de «Derviches». Le Tabligh est toléré en Europe, aux U.S.A, et un peu partout dans le monde (Maghreb notamment), mais est interdit à la Mecque.

Alimentation du terrorisme

Le mouvement Tabligh est accusé d’alimenter le terrorisme, puisqu’il remet dans le giron de la religion un grand nombre de musulmans. Certains d’entre eux ne se satisfont plus des activités somme toute basique du Tabligh et désirent aller plus loin, soit dans la théologie, en rejoignant d’autres mouvements, soit dans des groupes combattants essayant de changer la situation, en Iraq, Afghanistan etc. enfreignant ainsi les règles du Tabligh. On les accuse donc d’être la base arrière et la façade rose des mouvements radicaux.

La structure totalement décentralisée du mouvement fait son succès et ses échecs. En effet, il n’existe pas de «direction centrale», ce qui allège considérablement le travail des Tabligh, la création d’un environnement autour d’une mosquée peut se faire très rapidement. Il n’y a pas de direction centrale ni d’inscription des adhérents, c'est-à-dire que le mouvement est totalement perméable aux infiltrations des services des Etats où il évolue, et cette possibilité lève tout soupçon sur ce mouvement de manigancer des conspirations ou quelque chose de la sorte. Les discussions s’articulant principalement sur Dieu et sa Gloire, il n’y a ni accusations, ni admonestations, ni «pourquoi tu t’habilles comme ça», ni «pourquoi tu as fait ça avant», ce qui est très attractif. On n’a que les bons côtés de la religion : on ne te connaît pas, mais on t’accueille avec le sourire et les accolades, on passe la journée à te féliciter d’être là, et si tu as un soucis, tu sais qu’il y aura quelqu’un pour t’aider. Les ratés du mouvement viennent de l’enthousiasme qu’il crée et donc des excès de zèle, il y en a qui entament des discussions théologiques, d’autres qui vont prêcher dans les bars, d’ailleurs beaucoup se font agresser.

Personnellement, je trouve l’idée ingénieuse et ma courte visite chez les Tabligh a tempéré mes appréhensions sur les religieux orthodoxes. Aujourd’hui, quand je vois un barbu, il ne m'inspire aucune peur ni mépris, mais de la tendresse : je me dis «c’est peut-être un Tabligh !»

5 commentaires:

ptitbeurre a dit…

Tu l'as toi même dit "c'est PEUT ETRE un tabligh" alors el ihtiat wajeb...

M.o.u.l.i.n a dit…

Akiid, il faut être prudent bien sûr. Mais même s'il ne l'est pas, il y a toutes les chances que ce soit un individu lambda.

Le sentiment négatif en réaction à la vue des "Sunna (barbe+robe)" n'est pas de la prudence, ce pourrait être de l'amalgame. Ce que je ne voudrais pas que d'autres fassent avec moi ...

elgreco a dit…

quelle découverte!


http://rachedelgreco.blogspirit.com

M.o.u.l.i.n a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anonyme a dit…

Le formatage des cerveaux opéré par bourguiba et sa clique à fait des dégâts chez les tunisiens et tunisiennnes, les médias occidentaux et la manipulation ont fait le reste .
Je me sens plus en sécurité et en confiance face à un musulman quelque soit sa tenue que face à un autre tunisien qui me vendra à vil prix dès que l'occasion se présentera . Je généralise peut-être mais les exceptions sont rares .D'ailleurs ceux qui vous gouvernent en sont le plus bel exemple, ils vous ressemblent tellement .