vendredi 20 juillet 2007

Sur Dieu, le déterminisme et le libre arbitre

Le croyant comme l’athée «savent» que Dieu existe ou n’existe pas, respectivement. L’agnostique «sait» que l’existence ou l’inexistence de Dieu est improuvable, indécidable. L’objet de ce post est de mettre en lumière un débat de fond qui opposa les philosophes, en filigrane duquel se profile la question de la possibilité de concevoir l’existence de Dieu, rationnellement. Mais il demeure un débat accessible au grand public, dont je fais partie. C’est un débat qui intéresse donc principalement les agnostiques, et est sans objet pour les autres.

Le déterminisme

Le déterminisme est le postulat fondamental en physique classique, établissant que chaque phénomène observé a une cause qui le détermine. Réciproquement, si on connaît l’état d’un système à un instant, ainsi que toutes les forces qui lui sont appliquées et leurs effets, on peut prédire avec exactitude son état futur. Par exemple, si on connaît la position, la forme et le poids du ballon, le mouvement et la vitesse de la jambe du joueur, la morphologie de son pied, le point d’impact entre le pied et la balle ainsi que son angle et la vitesse du vent, nous pouvons savoir si la balle sera cadrée, et où exactement elle va se loger. Le déterminisme est une condition sine qua non de la prédictibilité, et c’est la raison pour laquelle il intéresse les scientifiques puisqu’il leur permet de prédire et calculer les effets des différents phénomènes et bâtir des «lois».

Beaucoup de gens croient, à tort, que ce principe de déterminisme a été ébranlé par les théories physiques modernes, plus précisément la mécanique quantique et la théorie du chaos. La théorie du chaos s’intéresse à des systèmes dynamiques qui réagissent d’une manière «non prédictible». Plus précisément, si nous connaissons l’état initial du système, nous pouvons connaître son état futur, mais si on se trompe d’une quantité infiniment petite dans l’observation de son état initial, nous pouvons nous tromper complètement dans la détermination de son état futur ; c’est la propriété de «sensibilité aux conditions initiales». Les gens qui opposent théorie du chaos et déterminisme font une confusion entre prédictibilité et déterminisme. Le fait que le système soit non prédictible est le résultat de notre impossibilité de connaître parfaitement son état initial, mais son comportement demeure rigoureusement déterministe. D’ailleurs, le nom original de cette théorie est «théorie du chaos déterministe». La mécanique quantique quant à elle, que je ne comprends pas très bien (Feynman dit d’ailleurs que «personne ne comprend vraiment la physique quantique»), implique l'impossibilité de connaître avec une précision parfaite la position et la quantité de mouvement d'une particule, et qu’on ne peut les connaître qu'à l'aide d'une fonction de probabilité. Cependant, la mécanique quantique est un modèle explicatif décrivant le comportement des particules sans rien dire de leur nature intrinsèque. Encore une fois, qu’il soit impossible d’observer l’état d’un système ou de prédire son comportement ne peut nullement nier le caractère déterministe de son évolution.

Le libre arbitre

Il est communément admis que l’être humain est doté du libre arbitre, qu’il peut choisir librement d’agir, de penser etc. Le déterminisme quant à lui est là pour veiller à ce libre arbitre. C'est-à-dire qu’un être humain, par sa connaissance des choses et des effets de ses actions sur ces choses, peut choisir d’effectuer une action en sachant que l’effet qu’il escompte de son action sera respecté, par le principe du déterminisme. Si le déterminisme n’existait pas, l’humain ne serait pas libre, puisqu’il ne pourra prédire l’effet de ses actions. Ceci est la version rose : nous, humains, sommes libres, et le déterminisme est le garant de notre liberté. Dans cette vision, Dieu se profile déjà à l’horizon, car nous serions des êtres exceptionnels par notre liberté ; et cette liberté justifie le principe de justice divine, le rend acceptable : si nous sommes libres de nos actions, nous pouvons être rétribués ou sanctionnés pour nos actes, c’est le prix à payer pour notre liberté.

La seconde vision est celle qui dit que les êtres humains, tout comme n’importe quelle entité physique, obéit strictement au même principe du déterminisme. Pour reprendre l’exemple du joueur de football, avant même qu’il ne bouge vers la balle, on pourrait savoir où la balle finira par se loger. Car son mouvement vers la balle, ainsi que sa force de frappe sont dépendants de son anatomie et son choix de l’angle de tir et de la direction de la balle est dépendant de sa perception de la position du gardien, de son expérience et de sa psychologie, le tout étant retranscrit dans ses cellules, dans les moindres détails. Notre cher humain se retrouve sous la coupe du principe du déterminisme. L’illusion de liberté qu’il a est le résultat de son incapacité à «observer» son état d’une manière parfaite. Et là, Freud vient en renfort prouvant que notre conscient (la partie sous le contrôle de l’humain) n’est qu’une partie d’un tout, et que l’inconscient a une influence considérable sur le comportement d’un être humain. Ainsi, le conscient, pris tout seul donne l'impression de liberté, mais le système conscient/inconscient en tant que tout serait rigoureusement déterministe. Il est intéressant de noter que, afin de prouver l’existence du libre arbitre, il ne faut pas trouver une situation où un être humain assemble rationnellement un ensemble de raisons afin d’effectuer une action, car dans ce cas il obéirait simplement au principe de déterminisme (le déterminisme des actions par les raisons). Il faudrait au contraire prouver qu’une action effectuée par un humain est gratuite, fortuite, sans raison ni consciente ni inconsciente, pour conclure à sa liberté !

Si on adhère à cette seconde vision, on est tenté de crier Victoire ! Car la justice divine est fortement remise en doute ici. En effet, sur quoi vais-je être jugé si je suis déterminé à faire ce que je fais? Si la combinaison «caractéristiques génétiques + environnement» détermine mon comportement jusqu’à ma mort? Mais c’est aller un peu vite en besogne, car la possibilité de Dieu, qui semble mise à mal en affirmant que les humains ne sont pas exceptionnels, qu’ils sont des entités déterministes dans un système déterministe de bout en bout, pointe le bout de son nez d’une autre porte. En effet, toutes les religions monothéistes accordent à Dieu le pouvoir de connaître tout le passé, mais aussi tout l’avenir. Cette affirmation ne serait pas concevable par un cerveau humain, sauf si on accepte que le libre arbitre n’est qu’une illusion, et que éventuellement, une entité ayant la connaissance parfaite de l’état initial du système ainsi que toutes ses lois pourra prédire tout l’avenir. Dans cette vision, l'existence de Dieu serait concevable à l’échelle humaine.

L’athée est content, soit Dieu ne connaîtrait pas l’avenir, auquel cas les écritures mentent, soit il ne serait pas l’être juste qu’on nous décrit. Le croyant est content, car qu’on adhère à l’une ou à l’autre des deux postures, Dieu est possible, et cette possibilité est accessible à notre raison, et aucune des deux postures ne conclut à l’impossibilité de Dieu. L’agnostique quant à lui reste persuadé de la non décidabilité de la question.

dimanche 15 juillet 2007

Les missionnaires musulmans

En juin de l’an 2000, j’ai été présent, lors d’un séjour en Allemagne, à une sorte de «forum mondial» des «Da3wa et Tabligh» (Tabligh tout court en Français). Lors de ce forum, des oulémas d’Inde et de Pakistan viennent parler aux «disciples» du monde entier de la foi et du mouvement Tabligh. Près de 20.000 personnes y assistaient pendant trois jours non stop, et ce sans aucune publicité préalable (ni Internet, ni journaux, ni télé, ni affiches, ni quoique ce soit). J’y ai vu des religieux très orthodoxes mais aussi beaucoup de jeunes, dont certains percés, tatoués, et arborant les tenues les plus «In». Il s’agit d’un mouvement très répandu de par le monde, avec des millions d’adhérants, et pourtant méconnu ou plutôt mal connu de beaucoup de monde.

Les règles des Tabligh peuvent être résumées comme suit :

1. L’entrée au Tabligh est libre,

2. La sortie du Tabligh est libre,

3. Pas de débats politiques,

4. Pas de débats théologiques,

5. Dès qu’on fait partie du Tabligh, on invite des gens à le rejoindre.

Le raisonnement est donc simple : les querelles politiciennes et théologiques ne servent à rien, ce qui est important, c’est, au niveau individuel, de respecter les lois divines et de combattre ses propres vices et démons. Les Tabligh se disent «les messagers du messager d’Allah». La méthode est donc d’inviter les musulmans à revenir aux mosquées et à parler de Dieu. L’objectif étant de créer un peu partout un environnement propice au retour des musulmans à leur foi. Dès qu’on commence à suivre les activités du mouvement, on est invité et encouragé à inviter d’autres gens. L’idée est confondante par sa simplicité et son efficacité. Car dès qu’on arrive à inviter quelqu’un à la mosquée, et qu’on réussit à le «fidéliser», sa propre foi s’en trouve renforcée. Et on s’engage tacitement à tenir soi-même vis-à-vis des personnes qu’on a invités. On alimente aussi le mouvement avec la jeune génération éduquée et trompant en philosophie, informatique, mathématiques, médecine etc. ce qui dépoussière l’argumentation et les méthodes religieuses. Le Tabligh est né dans les années 1920, à l'initiative de Mohamed Ilyas, c'est l’un des mouvements qui génèrent le plus de conversions à l’Islam. Bien qu’aucune statistique officielle n’existe (par définition, l’entrée et la sortie est libre à tous, sans aucun enregistrement d’aucune sorte), mais les chiffres qui circulent parlent d’environ 35 millions d’adeptes de par le monde, dont beaucoup en Europe, mais surtout au Pakistan, Inde, Bengladesh etc.

Activités

Les activités du Tabligh sont diverses. Il y a d’abord les «cercles d’apprentissage» (7ala9at ta3liim) où l’on étudie deux ou trois hadiths en groupe. Il y a ensuite les «éclaircissements» (Bayan) où, après la prière, une personne du groupe prend la parole pour parler de Dieu. Les «promenades» (jawla) où l’on se promène aux alentours de la mosquée et l’on parle aux gens dans la rue pour les inviter à venir à la mosquée. Ensuite il y a les «sorties» (5ourouj) où on laisse tout tomber, on prend ses affaires et on va loin de chez soi pendant quelques temps, dans une mosquée, une maison … où l’on ne fait que ça (prières, bayan, jawla …). Trois types de 5ouroujs existent : 3 jours, 40 jours et 4 mois. C’est leur interprétation du Jihad : se combattre et s’extirper de la vie de tous les jours «pour la cause de Dieu» (Fi sabil illah). Bien que pacifiste et apolitique, et malgré son grand succès, ce mouvement ne fait pas l’unanimité, ni parmi les musulmans, ni parmi les non-musulmans.

Innovation (Bid3a)

Des oulémas de grande envergure tel que Nasreddine el-Albani ont condamné le mouvement Tabligh, arguant qu’il s’agit d’une innovation. Plus précisément, les règles des trois jours, quarante jours et quatre mois, n’ont aucune source Coranique ni Sunnite. Il est également reproché aux Tabligh de donner la parole à des non-oulémas, puisque théoriquement, un nouveau venu ou un nouvellement converti peut prendre la parole et prêcher les autres. On reproche également aux Tabligh d’être une forme de Sufisme, prônant le détachement de la vie matérielle, bien que le mouvement encourage les étudiants à étudier, les travailleurs à travailler etc. On les traite également de «Derviches». Le Tabligh est toléré en Europe, aux U.S.A, et un peu partout dans le monde (Maghreb notamment), mais est interdit à la Mecque.

Alimentation du terrorisme

Le mouvement Tabligh est accusé d’alimenter le terrorisme, puisqu’il remet dans le giron de la religion un grand nombre de musulmans. Certains d’entre eux ne se satisfont plus des activités somme toute basique du Tabligh et désirent aller plus loin, soit dans la théologie, en rejoignant d’autres mouvements, soit dans des groupes combattants essayant de changer la situation, en Iraq, Afghanistan etc. enfreignant ainsi les règles du Tabligh. On les accuse donc d’être la base arrière et la façade rose des mouvements radicaux.

La structure totalement décentralisée du mouvement fait son succès et ses échecs. En effet, il n’existe pas de «direction centrale», ce qui allège considérablement le travail des Tabligh, la création d’un environnement autour d’une mosquée peut se faire très rapidement. Il n’y a pas de direction centrale ni d’inscription des adhérents, c'est-à-dire que le mouvement est totalement perméable aux infiltrations des services des Etats où il évolue, et cette possibilité lève tout soupçon sur ce mouvement de manigancer des conspirations ou quelque chose de la sorte. Les discussions s’articulant principalement sur Dieu et sa Gloire, il n’y a ni accusations, ni admonestations, ni «pourquoi tu t’habilles comme ça», ni «pourquoi tu as fait ça avant», ce qui est très attractif. On n’a que les bons côtés de la religion : on ne te connaît pas, mais on t’accueille avec le sourire et les accolades, on passe la journée à te féliciter d’être là, et si tu as un soucis, tu sais qu’il y aura quelqu’un pour t’aider. Les ratés du mouvement viennent de l’enthousiasme qu’il crée et donc des excès de zèle, il y en a qui entament des discussions théologiques, d’autres qui vont prêcher dans les bars, d’ailleurs beaucoup se font agresser.

Personnellement, je trouve l’idée ingénieuse et ma courte visite chez les Tabligh a tempéré mes appréhensions sur les religieux orthodoxes. Aujourd’hui, quand je vois un barbu, il ne m'inspire aucune peur ni mépris, mais de la tendresse : je me dis «c’est peut-être un Tabligh !»

mardi 10 juillet 2007

L’arnaque démocratique

« La démocratie est le moins pire des régimes politiques » dixit Winston Churchill, et elle doit être perçue en tant que telle, au lieu de fantasmer dessus comme on a l’habitude de faire : « Tel pays est démocratique !! » comme si cela dispensait le pays concerné de tout reproche, comme Israël qui aurait le droit d’asphyxier tout un peuple, sous prétexte que « c’est le seul pays démocratique de la région ». Est-ce vraiment le « demos » qui « cratos » dans une démocratie?

Quand et comment le demos a-t-il la parole pour qu’il cratos ? Tous les quatre à sept ans, une fois pour un régime parlementaire, deux fois pour un régime présidentiel. Il choisit parmi quelques prétendants, et dans l’écrasante majorité des cas, deux candidats seulement ont une chance de l’emporter. Comment choisit-on un candidat ? Sur un « projet ». Qui est-ce qui est d’accord avec Tout ce qu’il y a dans ce projet ? Pratiquement personne, parfois le candidat lui-même n’est pas d’accord sur tous les points de son propre projet (e.g. Ségolène Royal dernièrement). Et durant la législature, très rares sont les mesures qui obtiendraient une majorité si elles étaient soumises à référendum (e.g. Constitution européenne : 90% du parlement français pour le oui, 56% des citoyens français pour le non). Ainsi, le demos choisit quelqu’un qui prendra des décisions qu’il n’approuve majoritairement pas pendant des années et nous dirons pourtant que c’est le peuple qui gouverne.

Laissons de côté le bipartisme qui, lui, fait encore plus fort : deux choix, point barre. Quand, comme aux U.S.A, vous avez plus de 300.000.000 de citoyens, avoir le choix entre deux têtes est ridicule. Les idées politiques de 300.000.000 de personnes se résument donc à deux partis ? Et la seule fois qu’on voit leurs candidats à la télé, ils passent leur temps à dire « I have a plan » parce qu’ils n’ont pas le temps de dire ce que c’est comme plan (voir J.Kerry aux élections U.S. 2004)? Quant aux favoris des élections, pourquoi sont-ils favoris ? Parce que les médias le disent. Parce que les sondages le disent. Le demos veut avoir raison, quand on lui dit qu’Untel a des chances d’être élu, il vote « utile » pour voir son champion l’emporter. Les sondages sont des self-fulfilling prophecies, c'est-à-dire des prophéties qui se réalisent par le seul fait de les énoncer. Ils sont là pour guider le populo vers le vote qu’il faut faire. Comme on le voit, le demos ne cratos nulle part.

Alors, pourquoi la démocratie est-elle le moins pire des régimes politiques ? Parce qu’elle donne l’ « impression » aux peuples qu’ils gouvernent. Comment? En les invitant aux urnes d’abord, et ensuite en les laissant prendre la parole, s’exprimer, bien que cela ne change rien à la situation : « La dictature c'est ‘ferme ta gueule !’, la démocratie c'est ‘cause toujours !’ ». Mais surtout, le plus fort dans la démocratie, c’est qu’elle permet l’alternance. Cela ne veut pas forcément dire que celui qui viendra sera plus en phase avec le peuple, pas forcément, mais les têtes changent, le pouvoir est moins insultant, moins oppressant… ça tourne. Dans nos pays, exiger la démocratie comme un tout-ou-rien relève de l’irréalisme politique. Notre problème c’est l’absence d’alternance. C’est pareil, me direz-vous, puisque la démocratie permet l’alternance ? Pas forcément. La démocratie peut ne pas mener à l’alternance. Et l’alternance peut avoir lieu sans « vraie » démocratie. Exigeons simplement le changement de têtes, une concurrence, même interne au même parti-État, pourvu qu’elle mène au changement de leadership. Je veux avoir un pays alternatif, à défaut d’être démocratique.

Médias et 11 septempre

Vous rappelez-vous du massacre de Cana pendant la guerre du Liban l’année dernière ? Et bien, pendant ce temps-là, les médias français se sont levés comme un seul homme pour dénoncer… l’inexactitude du nombre de morts fournis par les officiels libanais!

Il y a quelques jours, une vidéo d’une interview de Christine Boutin (actuelle ministre de la Ville dans le gouvernement Français) réalisée en Novembre 2006 a été exhumée par le collectif ReOpen911 qui demande la réouverture de l’enquête pour le moins bâclée de la commission d’enquête sur le 11 Septembre 2001. Dans cette vidéo, elle estime «possible» l’implication du président G. W. Bush dans les événements. Malgré le black out médiatique sur ces collectifs qui pullulent sur Internet, les médias se devaient de couvrir l’affaire. Et ils l’ont fait d’une manière remarquable. Voici quelques extraits :

« Aux Etats-Unis, les milieux ultraconservateurs de la droite religieuse avaient développé des thèses conspirationnistes à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Christine Boutin, députée des Yvelines, est connue pour son engagement très catholique». Nouvel Observateur

« L'émission se déroule au bar de l'Etoile en présence d'un membre du collectif ReOpen911, qui défend une théorie "conspirationniste" sur les attentats de 2001.

(…)

Ce que le groupe REopen911 ne dit pas, c'est qu'il a tronqué une partie de la réponse de la ministre de la Ville. A la 37e minute de l'émission, dont l'ensemble est disponible dans les archives du site de Karl Zéro, Christine Boutin tempère : "Je ne te dis pas que j'adhère à cette posture, mais je m'interroge quand même un petit peu sur cette question" ». TF1

« Sur son site Internet, qui exhume une vidéo de novembre 2006, les tenants de la théorie "conspirationniste" des attentats de New York et Washington vont plus loin, affirmant

(…) Car dans la version intégrale, disponible sur le site de Karl Zéro, on peut écouter la suite :"Je ne te dis pas que j'adhère à cette posture, mais disons que je m'interroge quand même un petit peu sur cette question." Plus loin, la ministre explique aussi que "c'est la responsabilité de chaque blogueur de se faire son idée" ». Le Monde

« La vidéo, qui se propage sur le net a été ressortie sur son site par le groupe "conspirationniste" REopen911 qui introduit l'interview de manière très orientée.

Ce que le groupe REopen911 ne dit pas, c'est qu'il a tronqué une partie de la réponse de la ministre de la Ville. (en rouge dans le texte)

Jean-Marc Morandini


« Ces propos ambigus ont aussitôt été repris par un collectif conspirationniste (...) C'est cette vidéo, tronquée, qui ne reprend qu'une partie des termes de Christine Boutin, qui circule sur le net depuis 48 heures ». Politique.net

Vous avez tous remarqué avec moi le qualificatif « conspirationniste » accolé invariablement au collectif ReOpen911, comme pour avertir le lecteur du non-sérieux de ces gens. Et vous avez bien remarqué que l’information «importante» selon ces valeureux journalistes, c’est que la vidéo est «tronquée», comme si la suite de l’interview annulait le fait qu’elle croit en la possibilité d’une implication quelconque. Le journaliste du Nouvel Observateur quant à lui ne s’est pas trop cassé la tête : Boutin est catholique, Boutin dit que l'implication de Bush est possible, conclusion : c’est une thèse des ultrareligieux ! C’est ce qu’on appelle de la désinformation. Je vous épargne les accusations de «révisionnisme» et même de «négationnisme» qui ont plu et sur Boutin et sur le collectif ReOpen911.

Pour finir, deux vidéos, à titre d’illustration du traitement de ces événements. La première montre une émission de Karl Zéro quand il était encore à Canal+ traitant de ces théories et jetant un discrédit complet dessus (bobards, théories grotesques, idées dangereuses etc.), l'on y apprend entre autres que soupçonner le Mossad, c’est antisémite (!). La seconde montre Karl Zéro, une fois hors de Canal+, parlant des pressions de sa direction lors de l’élaboration de cette émission (minute 3 :20).





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lundi 9 juillet 2007

Je blogue pour la culture de l’information

Le 1er juiller dernier, plusieurs blogueurs ont blogué pour la liberté d’expression. J’aurais blogué volontiers pour la liberté d’expression, mais nos problèmes dans ce domaine sont malheureusement plus graves. Il ne s’agit pas seulement pour nous de ne pas pouvoir parler de tout sans encourir des risques pour le moins disproportionnés, nous souffrons d’un problème plus global de «rétention de l’information». Au delà de ne pas pouvoir nous exprimer à la limite des sentiers battus, il ne nous est simplement pas possible de nous exprimer tout court. Car, afin de s’exprimer, il faut avoir de la matière de quoi s’exprimer.

Exemple au hasard : quel est notre taux de chômage ? Comment est-il calculé ? En France par exemple, les chiffres sont fondés sur le nombre des demandeurs d’emploi à l’ANPE. Mais chez nous, comment sont-ils calculés ? la grande majorité des chômeurs que je connais n’ont jamais mis les pieds dans un bureau de travail. Ce n’est qu’un exemple, car quid des accords internationaux que nous avons passés ? quid de notre dette ? etc. Cela va plus loin encore: comment expliquer qu’on ne nous informe pas quand un bus a du retard ? Comment expliquer qu’on ne nous informe même pas des horaires de passage, ou alors avec une feuille d’allure peu respectable et non mise à jour ? Je pourrais enchaîner avec des exemples à l’infini, et dans différents domaines, afin de démontrer que nous souffrons d’une inculture informationnelle globale.

La culture de l’information est plus générale et conditionne la liberté d’expression. Il s’agit en réalité de la moelle épinière de l’expression d’une société. A quoi nous servirait la liberté d’expression si on ne nous informe pas ? Nous ne pouvons construire un raisonnement logique qu’en présence d’informations sur le sujet traité. Et nous ne pouvons débattre d’un sujet que si nous consentons mutuellement sur la véracité des informations qui lui sont relatives. Notre information est prisonnière dans les rouages de la bureaucratie, dans les bureaux de nos journalistes et surtout dans nos têtes. La culture du secret, la culture de la rumeur, sont ancrées bien profondément en nous.

On récrimine souvent la liberté d’expression par le fait qu’elle est souvent source de diffamation, de désinformation et de contre-vérités. Mais quel est le moteur de la désinformation ? Pourquoi est-ce que certaines sources pratiquant la désinformation, la diffamation et proférant des contre-vérités ont-elles du succès ? C’est l’opacité informationnelle qui favorise ces écarts. Quand on n’a pas une information, c’est qu’on nous la cache, et si on nous la cache, c’est qu’il y a des vérités inavouables derrière. C’est peut-être le cas parfois, mais très souvent, ce n’est pas le cas. Avoir une culture forte de l’information est un garant du bon usage de la liberté d’expression et un booster de la qualité des échanges et des débats.