dimanche 18 novembre 2007

L'interview du président ... revisitée

Question - Le 7 novembre dernier, la Tunisie a célébré vos vingt ans de présidence. Quel bilan faites-vous de votre politique?

Réponse – Il y a vingt ans, j’ai succédé à un président élevé au rang de prophète par ses compatriotes. L’image de l’ex est tellement pesante que j’ai passé ces vingt ans à essayer de m’en défaire. Ce n’était pas une tâche facile, surtout pour quelqu’un comme moi. On s’extasie devant le prophète de l’Islam parce que, bien qu’analphabète, il a fait ce que les plus érudits n’ont pas réussi à faire. Pareillement, mon niveau d’éducation limité, que certains croient être une tare est pour moi un motif additionnel de fierté, puisque j’ai réussi à me maintenir en place, et avec un certain succès, là où d’autres se sont cassés les dents. Vous savez, ce que ressent un souverain ne peut être compris de ces masses d’opposants que vous voyez aboyer un peu partout. Au bout de quelques années de règne, on finit par être convaincu de notre destinée exceptionnelle, qu’il s’agit là de notre place naturelle. On ne gouverne plus au delà de dix ans, on dure et on essaie de rentrer dans l’Histoire. Le bilan de ma politique doit être vu à cette aune là : l’histoire d’une aventure personnelle.

L’économie tunisienne est, dit-on, en bonne santé. Quels sont les grands axes de votre action économique?

Vous savez, un problème contraint est largement plus simple à résoudre qu’un problème libre. Je m’explique. Nos contraintes sont considérables: petit pays, petite population, sous-développement, absence de ressources naturelles... Notre politique économique est de ce fait facile à bâtir. De par notre situation géographique et historique, nous dépendons de nos voisins en termes énergétiques, de l’Europe en termes technologiques et commerciaux et des institutions internationales en termes financiers. Il se trouve que ces entités dont nous dépendons ont une vision claire et convergente des mesures économiques à prendre : libéralisation de l’économie, privatisation des entreprises publiques, financiarisation du marché économique, remise à niveau de la main d’œuvre et relâchement des barrières douanières. Il s’agit simplement pour nous de mettre en œuvre ces recommandations. Et ce qui est intéressant, c’est que ces dépendances économiques dessinent d’ores et déjà la politique extérieure et intérieure du pays.

La Tunisie a toujours été une terre d’accueil et de tolérance à l’égard des étrangers. Elle est pourtant critiquée pour la lente libéralisation de sa vie politique.

Il faut bien comprendre une chose. Il y a vingt ans, j’ai pris seul le risque de tenter un putsch. J’ai fait un pari lourd, j’ai gagné. De quel droit est-ce que ces «opposants» viendraient-ils maintenant crier à la libéralisation de la vie politique? Pourquoi le ferais-je? Quelle légitimité ont-ils? Moi, je n’ai certes pas la légitimité des urnes, mais au moins j’ai la légitimité des burnes (rires). J’estime qu’ils doivent se satisfaire de ce que je leur donne. Vingt pour cent des sièges de députés réservés à d’autres partis, c’est pas mal! Surtout que rien ne m’obligeait à les leur offrir ces siéges. Rendez-vous compte, j’ai laissé des personnes mettre leur trombine sur des affiches et de briguer la présidence en concurrence avec moi, je ne vais quand même pas faire croire qu’ils peuvent gagner! Ce serait même plus mesquin d’afficher des 60% ou 65% de score aux élections. Au moins, avec plus de 90%, je suis honnête, puisque je ne fais pas croire les gens à de vraies élections.

Comment expliquez-vous que l’on parle de la Tunisie comme d’un Etat policier?

Contrairement à ce que vous pensez, c’est un qualificatif flatteur. En fait, le nombre officiel de policiers n’est pas aberrant par rapport à la population. Si on parle d’un Etat policier, c’est qu’on a réussi à faire de nos citoyens des relais à notre police. Chaque tunisien dispose d’un policier qui le surveille et surveille ses voisins : lui-même. Le manque de confiance des tunisiens entre eux, la peur d’être mis sur la sellette, de sortir des sentiers battus… tout cela participe à l’intériorisation de la répression dans les esprits des citoyens. Pour un grand média comme vous dont l’objectif est de parler, convaincre et influencer ses lecteurs, avouez que c’est un coup de maître (rires)

On dit aussi que les droits de l’homme y sont bafoués?

Oui oui, mais cela fait partie du plan de communication : comment voulez-vous que les gens aient peur et deviennent tous policés? Il faut qu’ils soient convaincus qu’en face, c’est des crapules qui ne reculent devant rien. Vous voulez faire peur aux gens en étant respectueux des droits de l’homme? Laissez-moi rire. D’ailleurs, nos amis américains l’ont bien compris : arrestations arbitraires, lecture subjective de la convention de Genève, prison de Guantanamo… Les musulmans d’Amérique ne mouftent plus si vous avez remarqué, ils se voient tous en combinaison orange (rires)… c’est de l’art.

Le statut de la femme est l’un des points forts de votre réflexion. Pouvez-vous évoquer cette politique d’émancipation?

Ma réflexion? Vous virez un peu lèche-bottes là, non? (rires). Bon, pour être sérieux, dans les textes tout était joué depuis 1957, et le terrain a été bien déblayé avant que je ne sois là. J’ai quand même le mérite de ne pas avoir touché au statut de la femme, ni en bien, ni en mal. Mais la femme a un problème : elle ne sait pas qu’elle a un statut enviable de ses voisins. Alors, pour le lui rappeler, nous faisons quelques campagnes de sensibilisation à coup d’arrachage de voile et de violences policières pour qu’elle comprenne bien qu’elle est libre, ce qu’elle a tendance à oublier. Mais liberté de veut pas dire déchéance, ainsi nous organisons également des campagnes contre les maisons closes clandestines et contre le racolage passif. C’est cette politique de stop & go qui donne le tournis à nos femmes et à toute la société, et qui participe à l’illisibilité de notre politique, ce qui augmente la peur de l’arbitraire de la part de nos citoyens et les oblige à se tenir à carreaux. Tout se tient.

Votre lutte contre le fondamentalisme a jusqu’ici été couronnée de succès. Quels enseignements pouvez-vous nous livrer - à l’usage de l’Occident comme de l’Orient? Le fondamentalisme demeure-t-il malgré tout une menace?

Si j’ai un message à faire passer à l’occident c’est: «stupeur et tremblements» (rires). Mais pour ça, il faut avoir l’audace d’outrepasser les droits de l’homme. Si vous voulez éradiquer le risque d’attentats, ne faites pas dans la nuance: arrestations à la pelle, peines exemplaires et terrorisme intellectuel. Je ne sais pas si le fondamentalisme est une menace, mais même s’il ne l’était pas, il faut qu’on croit qu’il l’est, c’est une partie intégrante du plan de communication.

Les Etats-Unis peinent à maîtriser le chaos qu’ils ont provoqué en Irak. Que faut-il penser de la politique étrangère de George Bush?

Ils sont venus se ravitailler en énergie fossile, ils feront leurs emplettes et partiront. Ne soyons pas injustes, quelques millions de morts, c’est pas grand chose à l’échelle de l’univers.

Et au Moyen-Orient?

Vous arrêtez avec vos questions internationales? Vous croyez que ça intéresse qui ma vision du monde? Allez, pour ne pas vous vexer, je veux la paix dans le monde.

Où en sont les relations entre la France et la Tunisie, notamment avec l’arrivée d’un nouveau Président en France? Pourquoi cette différence de ton entre une classe politique française conciliante et une presse française très critique?

J’ai vu le p’tit Sarko à l’œuvre dans le ministère de l’intérieur, une merveille, il m’a rappelé ma jeunesse. Sur la relation entre la France et la Tunisie, il n’y a pas grand chose à dire en réalité. Le deal depuis toujours c’est : vous ne me faites pas chier sur les droits de l’homme et j’achète vos produits, j’accepte les renvois de clandestins tunisiens, et j’accepte vos projets sans discussion. Pour votre presse qui me chie dans les bottes, vos journaux font ça trois fois par an à l’occasion des fêtes nationales, c’est pas si grave. De toutes les manières, je leur ai fermé les frontières, alors qu’ils causent à l’attention des quelques immigrés tunisiens, pour lesquels d’ailleurs je ne vois pas de raison pour laquelle ils rentreraient. De toutes les manières, tant que le Figaro m’est acquis… (rires)

Comment appréciez-vous L’Union de la Méditerranée?

C’est une coquille vide pour amadouer les turcs. J’ai applaudi des deux mains parce que de toutes les manières ça ne changera rien à la situation de la région. On n’est pas foutu de nous coordonner avec les algériens et les marocains, alors travailler avec tous les pays de la méditerranée, c’est comique. Mais bon, je n’ai rien dit à Sarko, il est susceptible.

Est-il exact que, comme le roi Abdallah de Jordanie, vous allez en ville en voiture pour prendre la température?

Au début oui, du temps des visites surprise et tout ça. Ca n’a l’air de rien, mais des rumeurs comme celle-là vous donnent des airs de souverain grand et sage. Mais maintenant, ça ne m’amuse plus, je n’en vois plus l’intérêt.

En vingt ans de gouvernance, avez-vous un regret?

Oui, j’aurais dû me teindre les cheveux avant le putsch.

dimanche 16 septembre 2007

Après l’attaque


Je me trouve actuellement sur le blog de BTBoy, théâtre des combats acharnés de la veille. Tout n’est que désolation, ruines et traces d’obus.

Tout a commencé avec le lancement d’un missile conventionnel à faible portée depuis le blog souverain de Boy. Missile appelé «on n’est pas dupes», visant à attirer l’attention des voisins vers un tour de passe-passe vicieux. Quelques blogs voisins, sans prêter attention au message véhiculé, ont protesté de la trajectoire ambiguë du missile, en lançant quelques attaques de sommation sans conséquence.

Ce n’est que plus tard que les choses se sont compliquées. En effet, l’armée de Boy a choisi de relancer le même missile (conventionnel donc), mais en lui donnant l’habillage d’une arme non conventionnelle, bannie par les accords de Genève (Jendouba). L’arme non conventionnelle qu’ont cru reconnaître les blogs frères et amis est celle de Sourate des «Infidèles», revisitée par les ingénieurs locaux du blog.

Très rapidement, des drones (avions sans pilotes) ont convergé vers le blog de Boy et commencé le bombardement (avec des armes appelées «chien», «infidèle» ou encore «inculte»). La garde républicaine a bien répliqué pendant toute une journée et une nuit avec des rares missiles à têtes chercheuses (aux noms aussi révélateurs que «fa99ouss», «kachta» et autres «bhéyim»). Mais le flot des bombardements est arrivé à faire des dommages collatéraux: des civiles innocents qui passaient par là (blessés légers heureusement).

Les assaillants semblent divisés entre ceux qui dénoncent le mépris des voisins en lançant des missiles offensifs en temps de trêve (Ramadhan), ceux qui dénoncent l’habillage non conventionnel en comprenant que l’arme est, elle, conventionnelle, et enfin ceux qui, se basant sur des événements antérieurs, estiment que l’armée de Boy procède à des essais fréquents dont l’objectif est d’insulter les sentiments de ses blogs voisins, frères et amis.

J’ai deux morales à cette histoire:

1. Un effort diplomatique est souhaitable quand on a des voisins nerveux (si on veut éviter la guerre),

2. Il vaut mieux diffuser les saintes écritures pour faire avaler son enrichissement personnel, qu’habiller ses idées inoffensives d’une forme menaçante.


lundi 10 septembre 2007

Ariana le Samedi 22 juillet 2017

Cher Oussama,

Cela me fait bizarre de te rédiger une lettre sur papier et de te l’envoyer par la poste, comme au bon vieux temps. Comme tu le sais, nous n’avons définitivement plus accès à Internet en Tunisie, après la décision administrative du 20 mars 2016 de prendre notre indépendance de la Toile. Il fallait s’y attendre, avec la multiplication des sites, blogs, forums et autres courriers électroniques, la tâche du censeur était devenue tellement ardue qu’ils décidèrent simplement de tout verrouiller. D’ailleurs, tu me rendrais service en te connectant des fois sur mon blog et en répondant aux commentaires.

Cinq ans que je suis de retour, et je n’y crois toujours pas. Je me rappelle encore de ce maudit Vendredi 13 (il fallait y voir un signe) septembre 2011. Tu te rappelles? C’était dans le cadre du projet présidentiel «Reviens!» destiné à faire revenir toutes les compétences nationales, en leur offrant des situations socio - professionnelles alléchantes. Comment aurions-nous pu savoir qu’ils n’avaient pas les moyens d’entretenir ces milliers de diplômés venus «aider leur pays»? Bref, tu connais la suite, décès du président quatre mois après, et fronde des tunisiens contre les privilégiés … nous! Nous avons dû nous terrer chez nous pour éviter le lynchage. Alhamdoulillah je suis arrivé à me caser dans la boutique de mon cousin, mais les autres! En passant par Café Erriadh, Tarak est passé me dire bonjour et surtout me taxer une cigarette. Tarak oui, dont parlaient les journaux en 2008, diplômé de Yale et ancien Professeur classe A à 30 ans. Il n’a plus de passeport et taxe des cigarettes maintenant. Mais il est apparemment toujours imbattable à la Belotte, on a les gloires qu’on peut.

Ah oui, en rentrant chez moi, j’ai encore été bloqué par les travaux du projet comique «Sama Dubai» qui devient un vrai fiasco. Après les retards accumulés dans l'avancement des travaux, les voilà devant faire face à la fronde des ouvriers indiens, qui demandent à avoir exactement le même traitement que leurs collègues tunisiens. La police a bien sûr rétabli l’ordre à coups de matraque, et le chantier a finalement repris, mais ils ont bloqué tous les conducteurs venant de WalMart (ex-Carrefour) pour près de deux heures.

Sinon, je te joins les coupures de presse d’ici, enfin de La Presse, puisque c’est le seul journal toléré désormais. Tu liras l’éditorial habituel, insultant feu l’ancien président et sa famille, et glorifiant «l’homme de l’émergence» et sa sage administration. Oui, on ne dit plus politique, on dit administration. Comme il n’y a plus de politique, ni de partis, on ne risque pas d’avoir des revendications de multipartisme, ni de démocratie. Il y a des administrateurs, qui appliquent les «bonnes recettes», point barre. Le reste du journal, c’est de la pub et des faits divers, tu vas bien te marrer. Je ne t’ai pas joint le supplément sport, puisque tu as Internet, tu n’en as pas besoin.

En parlant de sport, j’ai assisté à Rades (stade 2 Décembre) au match amical Tunisie-Italie, qui s’est terminé 4-1 en faveur des tunisiens. Le match était supposé être la revanche de l’Italie, après la finale de la coupe du monde 2014, que nous avons remporté aux tirs aux buts. Sacré Boumnijel! Tu te rappelles comment il a arrêté tous les tirs aux buts des italiens, à 50 ans?

Allez, on m’appelle pour la prière (et oui, je prie désormais)

A bientôt

samedi 4 août 2007

Kairouan le Samedi 7 Août 913 - 1er Moharram 301

Mon frère Othmane,

Cette lettre te parviendra alors que notre ville est dans l’état que tu connais. Nous sommes devenus étrangers sur notre propre terre. A l’honneur succède désormais l’humiliation, nous traversons notre propre ville en longeant les murs, la tête baissée comme des voleurs. Dans la mosquée de Oqba, un imam Chiite présente désormais son sermon du haut du Minbar! Et nous prions pour la Gloire des Fatimides! Ah si Haroun Al Rachid voyait ce qu’il est advenu de Kairouan.

Vois dans quel état nous sommes devenus. Nous, «la meilleure nation suscitée aux Hommes», nos vies sont à la merci des innovateurs Chiites. Tu n’es pas sans savoir les projets grandioses des nouveaux maîtres des lieux. Des travaux de longue haleine pour détrôner Kairouan, cette ville sainte, au profit d’une petite cité, à laquelle le nouveau souverain compte donner son nom: Mahdia! Fasse Dieu qu’il n’ait pas le temps de la voir de ses yeux!

Nous, les Aghlabides, après avoir conquis les côtes européennes, Bari, Malte, La Sicile… après leur avoir fait payer la «Jizia», nous retrouvons à la merci de ces traîtres à nos Califes bien guidés. Et ce n’est pas fini Othmane. Aux Chiites succèderont les Kharijites, crois-moi, tu n’es d’ailleurs pas sans savoir leur influence sur les berbères locaux et leur implantation à Djerba et ailleurs.

Mon frère, te rends-tu compte que la Nation musulmane a désormais deux Califes? N’y vois-tu pas un signe? C’est le début de la fin Othmane. Pourtant, le prophète nous a bien prévenu, n’a-t-il pas dit «le meilleur siècle est mon siècle et le second et le troisième»? Nous sommes damnés mon frère, nous assistons à l’aube des siècles malheureux.

Mais n’ayons crainte, c’est bientôt la fin de notre calvaire. Le prophète ne nous a-t-il pas bien dit également «j’ai été envoyé, moi et l’heure comme ceci» en joignant l’index au majeur? Or, le Messie fils de Mariem ne l’a pas dit avant lui, bien qu’il se soit révélé seulement 500 ans plus tôt. Cela veut bien dire que l’ Heure est imminente! De l’ordre d’un siècle ou deux! Tout ce que j’espère, c’est que mes yeux s’éteindront avant l’arrivée du faux Messie et avant l’heure fatidique.

Prions pour la Nation de Mouhammad.

Omar

vendredi 20 juillet 2007

Sur Dieu, le déterminisme et le libre arbitre

Le croyant comme l’athée «savent» que Dieu existe ou n’existe pas, respectivement. L’agnostique «sait» que l’existence ou l’inexistence de Dieu est improuvable, indécidable. L’objet de ce post est de mettre en lumière un débat de fond qui opposa les philosophes, en filigrane duquel se profile la question de la possibilité de concevoir l’existence de Dieu, rationnellement. Mais il demeure un débat accessible au grand public, dont je fais partie. C’est un débat qui intéresse donc principalement les agnostiques, et est sans objet pour les autres.

Le déterminisme

Le déterminisme est le postulat fondamental en physique classique, établissant que chaque phénomène observé a une cause qui le détermine. Réciproquement, si on connaît l’état d’un système à un instant, ainsi que toutes les forces qui lui sont appliquées et leurs effets, on peut prédire avec exactitude son état futur. Par exemple, si on connaît la position, la forme et le poids du ballon, le mouvement et la vitesse de la jambe du joueur, la morphologie de son pied, le point d’impact entre le pied et la balle ainsi que son angle et la vitesse du vent, nous pouvons savoir si la balle sera cadrée, et où exactement elle va se loger. Le déterminisme est une condition sine qua non de la prédictibilité, et c’est la raison pour laquelle il intéresse les scientifiques puisqu’il leur permet de prédire et calculer les effets des différents phénomènes et bâtir des «lois».

Beaucoup de gens croient, à tort, que ce principe de déterminisme a été ébranlé par les théories physiques modernes, plus précisément la mécanique quantique et la théorie du chaos. La théorie du chaos s’intéresse à des systèmes dynamiques qui réagissent d’une manière «non prédictible». Plus précisément, si nous connaissons l’état initial du système, nous pouvons connaître son état futur, mais si on se trompe d’une quantité infiniment petite dans l’observation de son état initial, nous pouvons nous tromper complètement dans la détermination de son état futur ; c’est la propriété de «sensibilité aux conditions initiales». Les gens qui opposent théorie du chaos et déterminisme font une confusion entre prédictibilité et déterminisme. Le fait que le système soit non prédictible est le résultat de notre impossibilité de connaître parfaitement son état initial, mais son comportement demeure rigoureusement déterministe. D’ailleurs, le nom original de cette théorie est «théorie du chaos déterministe». La mécanique quantique quant à elle, que je ne comprends pas très bien (Feynman dit d’ailleurs que «personne ne comprend vraiment la physique quantique»), implique l'impossibilité de connaître avec une précision parfaite la position et la quantité de mouvement d'une particule, et qu’on ne peut les connaître qu'à l'aide d'une fonction de probabilité. Cependant, la mécanique quantique est un modèle explicatif décrivant le comportement des particules sans rien dire de leur nature intrinsèque. Encore une fois, qu’il soit impossible d’observer l’état d’un système ou de prédire son comportement ne peut nullement nier le caractère déterministe de son évolution.

Le libre arbitre

Il est communément admis que l’être humain est doté du libre arbitre, qu’il peut choisir librement d’agir, de penser etc. Le déterminisme quant à lui est là pour veiller à ce libre arbitre. C'est-à-dire qu’un être humain, par sa connaissance des choses et des effets de ses actions sur ces choses, peut choisir d’effectuer une action en sachant que l’effet qu’il escompte de son action sera respecté, par le principe du déterminisme. Si le déterminisme n’existait pas, l’humain ne serait pas libre, puisqu’il ne pourra prédire l’effet de ses actions. Ceci est la version rose : nous, humains, sommes libres, et le déterminisme est le garant de notre liberté. Dans cette vision, Dieu se profile déjà à l’horizon, car nous serions des êtres exceptionnels par notre liberté ; et cette liberté justifie le principe de justice divine, le rend acceptable : si nous sommes libres de nos actions, nous pouvons être rétribués ou sanctionnés pour nos actes, c’est le prix à payer pour notre liberté.

La seconde vision est celle qui dit que les êtres humains, tout comme n’importe quelle entité physique, obéit strictement au même principe du déterminisme. Pour reprendre l’exemple du joueur de football, avant même qu’il ne bouge vers la balle, on pourrait savoir où la balle finira par se loger. Car son mouvement vers la balle, ainsi que sa force de frappe sont dépendants de son anatomie et son choix de l’angle de tir et de la direction de la balle est dépendant de sa perception de la position du gardien, de son expérience et de sa psychologie, le tout étant retranscrit dans ses cellules, dans les moindres détails. Notre cher humain se retrouve sous la coupe du principe du déterminisme. L’illusion de liberté qu’il a est le résultat de son incapacité à «observer» son état d’une manière parfaite. Et là, Freud vient en renfort prouvant que notre conscient (la partie sous le contrôle de l’humain) n’est qu’une partie d’un tout, et que l’inconscient a une influence considérable sur le comportement d’un être humain. Ainsi, le conscient, pris tout seul donne l'impression de liberté, mais le système conscient/inconscient en tant que tout serait rigoureusement déterministe. Il est intéressant de noter que, afin de prouver l’existence du libre arbitre, il ne faut pas trouver une situation où un être humain assemble rationnellement un ensemble de raisons afin d’effectuer une action, car dans ce cas il obéirait simplement au principe de déterminisme (le déterminisme des actions par les raisons). Il faudrait au contraire prouver qu’une action effectuée par un humain est gratuite, fortuite, sans raison ni consciente ni inconsciente, pour conclure à sa liberté !

Si on adhère à cette seconde vision, on est tenté de crier Victoire ! Car la justice divine est fortement remise en doute ici. En effet, sur quoi vais-je être jugé si je suis déterminé à faire ce que je fais? Si la combinaison «caractéristiques génétiques + environnement» détermine mon comportement jusqu’à ma mort? Mais c’est aller un peu vite en besogne, car la possibilité de Dieu, qui semble mise à mal en affirmant que les humains ne sont pas exceptionnels, qu’ils sont des entités déterministes dans un système déterministe de bout en bout, pointe le bout de son nez d’une autre porte. En effet, toutes les religions monothéistes accordent à Dieu le pouvoir de connaître tout le passé, mais aussi tout l’avenir. Cette affirmation ne serait pas concevable par un cerveau humain, sauf si on accepte que le libre arbitre n’est qu’une illusion, et que éventuellement, une entité ayant la connaissance parfaite de l’état initial du système ainsi que toutes ses lois pourra prédire tout l’avenir. Dans cette vision, l'existence de Dieu serait concevable à l’échelle humaine.

L’athée est content, soit Dieu ne connaîtrait pas l’avenir, auquel cas les écritures mentent, soit il ne serait pas l’être juste qu’on nous décrit. Le croyant est content, car qu’on adhère à l’une ou à l’autre des deux postures, Dieu est possible, et cette possibilité est accessible à notre raison, et aucune des deux postures ne conclut à l’impossibilité de Dieu. L’agnostique quant à lui reste persuadé de la non décidabilité de la question.

dimanche 15 juillet 2007

Les missionnaires musulmans

En juin de l’an 2000, j’ai été présent, lors d’un séjour en Allemagne, à une sorte de «forum mondial» des «Da3wa et Tabligh» (Tabligh tout court en Français). Lors de ce forum, des oulémas d’Inde et de Pakistan viennent parler aux «disciples» du monde entier de la foi et du mouvement Tabligh. Près de 20.000 personnes y assistaient pendant trois jours non stop, et ce sans aucune publicité préalable (ni Internet, ni journaux, ni télé, ni affiches, ni quoique ce soit). J’y ai vu des religieux très orthodoxes mais aussi beaucoup de jeunes, dont certains percés, tatoués, et arborant les tenues les plus «In». Il s’agit d’un mouvement très répandu de par le monde, avec des millions d’adhérants, et pourtant méconnu ou plutôt mal connu de beaucoup de monde.

Les règles des Tabligh peuvent être résumées comme suit :

1. L’entrée au Tabligh est libre,

2. La sortie du Tabligh est libre,

3. Pas de débats politiques,

4. Pas de débats théologiques,

5. Dès qu’on fait partie du Tabligh, on invite des gens à le rejoindre.

Le raisonnement est donc simple : les querelles politiciennes et théologiques ne servent à rien, ce qui est important, c’est, au niveau individuel, de respecter les lois divines et de combattre ses propres vices et démons. Les Tabligh se disent «les messagers du messager d’Allah». La méthode est donc d’inviter les musulmans à revenir aux mosquées et à parler de Dieu. L’objectif étant de créer un peu partout un environnement propice au retour des musulmans à leur foi. Dès qu’on commence à suivre les activités du mouvement, on est invité et encouragé à inviter d’autres gens. L’idée est confondante par sa simplicité et son efficacité. Car dès qu’on arrive à inviter quelqu’un à la mosquée, et qu’on réussit à le «fidéliser», sa propre foi s’en trouve renforcée. Et on s’engage tacitement à tenir soi-même vis-à-vis des personnes qu’on a invités. On alimente aussi le mouvement avec la jeune génération éduquée et trompant en philosophie, informatique, mathématiques, médecine etc. ce qui dépoussière l’argumentation et les méthodes religieuses. Le Tabligh est né dans les années 1920, à l'initiative de Mohamed Ilyas, c'est l’un des mouvements qui génèrent le plus de conversions à l’Islam. Bien qu’aucune statistique officielle n’existe (par définition, l’entrée et la sortie est libre à tous, sans aucun enregistrement d’aucune sorte), mais les chiffres qui circulent parlent d’environ 35 millions d’adeptes de par le monde, dont beaucoup en Europe, mais surtout au Pakistan, Inde, Bengladesh etc.

Activités

Les activités du Tabligh sont diverses. Il y a d’abord les «cercles d’apprentissage» (7ala9at ta3liim) où l’on étudie deux ou trois hadiths en groupe. Il y a ensuite les «éclaircissements» (Bayan) où, après la prière, une personne du groupe prend la parole pour parler de Dieu. Les «promenades» (jawla) où l’on se promène aux alentours de la mosquée et l’on parle aux gens dans la rue pour les inviter à venir à la mosquée. Ensuite il y a les «sorties» (5ourouj) où on laisse tout tomber, on prend ses affaires et on va loin de chez soi pendant quelques temps, dans une mosquée, une maison … où l’on ne fait que ça (prières, bayan, jawla …). Trois types de 5ouroujs existent : 3 jours, 40 jours et 4 mois. C’est leur interprétation du Jihad : se combattre et s’extirper de la vie de tous les jours «pour la cause de Dieu» (Fi sabil illah). Bien que pacifiste et apolitique, et malgré son grand succès, ce mouvement ne fait pas l’unanimité, ni parmi les musulmans, ni parmi les non-musulmans.

Innovation (Bid3a)

Des oulémas de grande envergure tel que Nasreddine el-Albani ont condamné le mouvement Tabligh, arguant qu’il s’agit d’une innovation. Plus précisément, les règles des trois jours, quarante jours et quatre mois, n’ont aucune source Coranique ni Sunnite. Il est également reproché aux Tabligh de donner la parole à des non-oulémas, puisque théoriquement, un nouveau venu ou un nouvellement converti peut prendre la parole et prêcher les autres. On reproche également aux Tabligh d’être une forme de Sufisme, prônant le détachement de la vie matérielle, bien que le mouvement encourage les étudiants à étudier, les travailleurs à travailler etc. On les traite également de «Derviches». Le Tabligh est toléré en Europe, aux U.S.A, et un peu partout dans le monde (Maghreb notamment), mais est interdit à la Mecque.

Alimentation du terrorisme

Le mouvement Tabligh est accusé d’alimenter le terrorisme, puisqu’il remet dans le giron de la religion un grand nombre de musulmans. Certains d’entre eux ne se satisfont plus des activités somme toute basique du Tabligh et désirent aller plus loin, soit dans la théologie, en rejoignant d’autres mouvements, soit dans des groupes combattants essayant de changer la situation, en Iraq, Afghanistan etc. enfreignant ainsi les règles du Tabligh. On les accuse donc d’être la base arrière et la façade rose des mouvements radicaux.

La structure totalement décentralisée du mouvement fait son succès et ses échecs. En effet, il n’existe pas de «direction centrale», ce qui allège considérablement le travail des Tabligh, la création d’un environnement autour d’une mosquée peut se faire très rapidement. Il n’y a pas de direction centrale ni d’inscription des adhérents, c'est-à-dire que le mouvement est totalement perméable aux infiltrations des services des Etats où il évolue, et cette possibilité lève tout soupçon sur ce mouvement de manigancer des conspirations ou quelque chose de la sorte. Les discussions s’articulant principalement sur Dieu et sa Gloire, il n’y a ni accusations, ni admonestations, ni «pourquoi tu t’habilles comme ça», ni «pourquoi tu as fait ça avant», ce qui est très attractif. On n’a que les bons côtés de la religion : on ne te connaît pas, mais on t’accueille avec le sourire et les accolades, on passe la journée à te féliciter d’être là, et si tu as un soucis, tu sais qu’il y aura quelqu’un pour t’aider. Les ratés du mouvement viennent de l’enthousiasme qu’il crée et donc des excès de zèle, il y en a qui entament des discussions théologiques, d’autres qui vont prêcher dans les bars, d’ailleurs beaucoup se font agresser.

Personnellement, je trouve l’idée ingénieuse et ma courte visite chez les Tabligh a tempéré mes appréhensions sur les religieux orthodoxes. Aujourd’hui, quand je vois un barbu, il ne m'inspire aucune peur ni mépris, mais de la tendresse : je me dis «c’est peut-être un Tabligh !»

mardi 10 juillet 2007

L’arnaque démocratique

« La démocratie est le moins pire des régimes politiques » dixit Winston Churchill, et elle doit être perçue en tant que telle, au lieu de fantasmer dessus comme on a l’habitude de faire : « Tel pays est démocratique !! » comme si cela dispensait le pays concerné de tout reproche, comme Israël qui aurait le droit d’asphyxier tout un peuple, sous prétexte que « c’est le seul pays démocratique de la région ». Est-ce vraiment le « demos » qui « cratos » dans une démocratie?

Quand et comment le demos a-t-il la parole pour qu’il cratos ? Tous les quatre à sept ans, une fois pour un régime parlementaire, deux fois pour un régime présidentiel. Il choisit parmi quelques prétendants, et dans l’écrasante majorité des cas, deux candidats seulement ont une chance de l’emporter. Comment choisit-on un candidat ? Sur un « projet ». Qui est-ce qui est d’accord avec Tout ce qu’il y a dans ce projet ? Pratiquement personne, parfois le candidat lui-même n’est pas d’accord sur tous les points de son propre projet (e.g. Ségolène Royal dernièrement). Et durant la législature, très rares sont les mesures qui obtiendraient une majorité si elles étaient soumises à référendum (e.g. Constitution européenne : 90% du parlement français pour le oui, 56% des citoyens français pour le non). Ainsi, le demos choisit quelqu’un qui prendra des décisions qu’il n’approuve majoritairement pas pendant des années et nous dirons pourtant que c’est le peuple qui gouverne.

Laissons de côté le bipartisme qui, lui, fait encore plus fort : deux choix, point barre. Quand, comme aux U.S.A, vous avez plus de 300.000.000 de citoyens, avoir le choix entre deux têtes est ridicule. Les idées politiques de 300.000.000 de personnes se résument donc à deux partis ? Et la seule fois qu’on voit leurs candidats à la télé, ils passent leur temps à dire « I have a plan » parce qu’ils n’ont pas le temps de dire ce que c’est comme plan (voir J.Kerry aux élections U.S. 2004)? Quant aux favoris des élections, pourquoi sont-ils favoris ? Parce que les médias le disent. Parce que les sondages le disent. Le demos veut avoir raison, quand on lui dit qu’Untel a des chances d’être élu, il vote « utile » pour voir son champion l’emporter. Les sondages sont des self-fulfilling prophecies, c'est-à-dire des prophéties qui se réalisent par le seul fait de les énoncer. Ils sont là pour guider le populo vers le vote qu’il faut faire. Comme on le voit, le demos ne cratos nulle part.

Alors, pourquoi la démocratie est-elle le moins pire des régimes politiques ? Parce qu’elle donne l’ « impression » aux peuples qu’ils gouvernent. Comment? En les invitant aux urnes d’abord, et ensuite en les laissant prendre la parole, s’exprimer, bien que cela ne change rien à la situation : « La dictature c'est ‘ferme ta gueule !’, la démocratie c'est ‘cause toujours !’ ». Mais surtout, le plus fort dans la démocratie, c’est qu’elle permet l’alternance. Cela ne veut pas forcément dire que celui qui viendra sera plus en phase avec le peuple, pas forcément, mais les têtes changent, le pouvoir est moins insultant, moins oppressant… ça tourne. Dans nos pays, exiger la démocratie comme un tout-ou-rien relève de l’irréalisme politique. Notre problème c’est l’absence d’alternance. C’est pareil, me direz-vous, puisque la démocratie permet l’alternance ? Pas forcément. La démocratie peut ne pas mener à l’alternance. Et l’alternance peut avoir lieu sans « vraie » démocratie. Exigeons simplement le changement de têtes, une concurrence, même interne au même parti-État, pourvu qu’elle mène au changement de leadership. Je veux avoir un pays alternatif, à défaut d’être démocratique.

Médias et 11 septempre

Vous rappelez-vous du massacre de Cana pendant la guerre du Liban l’année dernière ? Et bien, pendant ce temps-là, les médias français se sont levés comme un seul homme pour dénoncer… l’inexactitude du nombre de morts fournis par les officiels libanais!

Il y a quelques jours, une vidéo d’une interview de Christine Boutin (actuelle ministre de la Ville dans le gouvernement Français) réalisée en Novembre 2006 a été exhumée par le collectif ReOpen911 qui demande la réouverture de l’enquête pour le moins bâclée de la commission d’enquête sur le 11 Septembre 2001. Dans cette vidéo, elle estime «possible» l’implication du président G. W. Bush dans les événements. Malgré le black out médiatique sur ces collectifs qui pullulent sur Internet, les médias se devaient de couvrir l’affaire. Et ils l’ont fait d’une manière remarquable. Voici quelques extraits :

« Aux Etats-Unis, les milieux ultraconservateurs de la droite religieuse avaient développé des thèses conspirationnistes à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Christine Boutin, députée des Yvelines, est connue pour son engagement très catholique». Nouvel Observateur

« L'émission se déroule au bar de l'Etoile en présence d'un membre du collectif ReOpen911, qui défend une théorie "conspirationniste" sur les attentats de 2001.

(…)

Ce que le groupe REopen911 ne dit pas, c'est qu'il a tronqué une partie de la réponse de la ministre de la Ville. A la 37e minute de l'émission, dont l'ensemble est disponible dans les archives du site de Karl Zéro, Christine Boutin tempère : "Je ne te dis pas que j'adhère à cette posture, mais je m'interroge quand même un petit peu sur cette question" ». TF1

« Sur son site Internet, qui exhume une vidéo de novembre 2006, les tenants de la théorie "conspirationniste" des attentats de New York et Washington vont plus loin, affirmant

(…) Car dans la version intégrale, disponible sur le site de Karl Zéro, on peut écouter la suite :"Je ne te dis pas que j'adhère à cette posture, mais disons que je m'interroge quand même un petit peu sur cette question." Plus loin, la ministre explique aussi que "c'est la responsabilité de chaque blogueur de se faire son idée" ». Le Monde

« La vidéo, qui se propage sur le net a été ressortie sur son site par le groupe "conspirationniste" REopen911 qui introduit l'interview de manière très orientée.

Ce que le groupe REopen911 ne dit pas, c'est qu'il a tronqué une partie de la réponse de la ministre de la Ville. (en rouge dans le texte)

Jean-Marc Morandini


« Ces propos ambigus ont aussitôt été repris par un collectif conspirationniste (...) C'est cette vidéo, tronquée, qui ne reprend qu'une partie des termes de Christine Boutin, qui circule sur le net depuis 48 heures ». Politique.net

Vous avez tous remarqué avec moi le qualificatif « conspirationniste » accolé invariablement au collectif ReOpen911, comme pour avertir le lecteur du non-sérieux de ces gens. Et vous avez bien remarqué que l’information «importante» selon ces valeureux journalistes, c’est que la vidéo est «tronquée», comme si la suite de l’interview annulait le fait qu’elle croit en la possibilité d’une implication quelconque. Le journaliste du Nouvel Observateur quant à lui ne s’est pas trop cassé la tête : Boutin est catholique, Boutin dit que l'implication de Bush est possible, conclusion : c’est une thèse des ultrareligieux ! C’est ce qu’on appelle de la désinformation. Je vous épargne les accusations de «révisionnisme» et même de «négationnisme» qui ont plu et sur Boutin et sur le collectif ReOpen911.

Pour finir, deux vidéos, à titre d’illustration du traitement de ces événements. La première montre une émission de Karl Zéro quand il était encore à Canal+ traitant de ces théories et jetant un discrédit complet dessus (bobards, théories grotesques, idées dangereuses etc.), l'on y apprend entre autres que soupçonner le Mossad, c’est antisémite (!). La seconde montre Karl Zéro, une fois hors de Canal+, parlant des pressions de sa direction lors de l’élaboration de cette émission (minute 3 :20).





copyright tristao




copyright SachaQS

lundi 9 juillet 2007

Je blogue pour la culture de l’information

Le 1er juiller dernier, plusieurs blogueurs ont blogué pour la liberté d’expression. J’aurais blogué volontiers pour la liberté d’expression, mais nos problèmes dans ce domaine sont malheureusement plus graves. Il ne s’agit pas seulement pour nous de ne pas pouvoir parler de tout sans encourir des risques pour le moins disproportionnés, nous souffrons d’un problème plus global de «rétention de l’information». Au delà de ne pas pouvoir nous exprimer à la limite des sentiers battus, il ne nous est simplement pas possible de nous exprimer tout court. Car, afin de s’exprimer, il faut avoir de la matière de quoi s’exprimer.

Exemple au hasard : quel est notre taux de chômage ? Comment est-il calculé ? En France par exemple, les chiffres sont fondés sur le nombre des demandeurs d’emploi à l’ANPE. Mais chez nous, comment sont-ils calculés ? la grande majorité des chômeurs que je connais n’ont jamais mis les pieds dans un bureau de travail. Ce n’est qu’un exemple, car quid des accords internationaux que nous avons passés ? quid de notre dette ? etc. Cela va plus loin encore: comment expliquer qu’on ne nous informe pas quand un bus a du retard ? Comment expliquer qu’on ne nous informe même pas des horaires de passage, ou alors avec une feuille d’allure peu respectable et non mise à jour ? Je pourrais enchaîner avec des exemples à l’infini, et dans différents domaines, afin de démontrer que nous souffrons d’une inculture informationnelle globale.

La culture de l’information est plus générale et conditionne la liberté d’expression. Il s’agit en réalité de la moelle épinière de l’expression d’une société. A quoi nous servirait la liberté d’expression si on ne nous informe pas ? Nous ne pouvons construire un raisonnement logique qu’en présence d’informations sur le sujet traité. Et nous ne pouvons débattre d’un sujet que si nous consentons mutuellement sur la véracité des informations qui lui sont relatives. Notre information est prisonnière dans les rouages de la bureaucratie, dans les bureaux de nos journalistes et surtout dans nos têtes. La culture du secret, la culture de la rumeur, sont ancrées bien profondément en nous.

On récrimine souvent la liberté d’expression par le fait qu’elle est souvent source de diffamation, de désinformation et de contre-vérités. Mais quel est le moteur de la désinformation ? Pourquoi est-ce que certaines sources pratiquant la désinformation, la diffamation et proférant des contre-vérités ont-elles du succès ? C’est l’opacité informationnelle qui favorise ces écarts. Quand on n’a pas une information, c’est qu’on nous la cache, et si on nous la cache, c’est qu’il y a des vérités inavouables derrière. C’est peut-être le cas parfois, mais très souvent, ce n’est pas le cas. Avoir une culture forte de l’information est un garant du bon usage de la liberté d’expression et un booster de la qualité des échanges et des débats.

samedi 30 juin 2007

Vive la censure !

Nous devons être conscients que nous, Tunisiens, sommes dans une période faste, et qu'il faut en profiter au maximum. Je m'explique. L'état de l'information en Tunisie est médiocre, c'est un fait. Des gens qui ont laissé leurs plus belles années sur les bancs des universités de journalisme se retrouvent à ressasser des âneries et des mièvreries. Certaines personnalités de qualité dans le Gouvernement sont muettes et de toutes les manières inaudibles dans l'atmosphère propagandiste régnante.

Dans ces conditions, arriver à aligner quelques phrases qui ne se foutent pas de la gueule des gens relève de l'exploit. Des idées, des analyses, qui ne vaudrait pas grand chose dans l'absolu, gagnent un intérêt certain lorsqu'elles sont dites dans les conditions susmentionnées.

Nous, jeunes gens comme tous les autres, pas plus bêtes que d'autres mais sans plus, nous pouvons gagner en notoriété en toute simplicité. Si, par bonheur, nos articles de qualité discutable arrivaient à être censurés, bloqués d'accès depuis la Tunisie, alors là c'est le jackpot ! À nous la gloire et la notoriété, à nous le statut de dissident. Nous pouvons afficher cette étiquette sur nos blogs, nos sites ou la porter en T-shirt. Nous pourrons jouir de ce statut Che Guevaresque pour longtemps.

Moi je dis : vive la censure qui donne du sens aux contributions des citoyens ! J'invite à l'instauration de la censure un peu partout, là où les gens perdent confiance dans leur manière de penser. Mais oh, ce ne sera pas évident de généraliser le processus partout dans le monde. Tout le monde n'a pas la chance d'avoir une situation économique, politique et sociale fragile, des menaces terroristes, un passé de colonisé et une longue tradition de la censure. Il faudra un travail pédagogique et une préparation du terrain. Les dirigeants des différents pays n'accepteront pas de se faire voler la parole par des individus lambda comme nous. Quant à nous, il nous faut impérativement défendre cet acquis. La première tentative de libération de la parole doit être combattue, le premier ministre qui développe une analyse intéressante à la télé, et on sonne l'alarme.

Résistons à la non-censure !